Gavage des oies : c’est quoi le problème ?

Le foie gras : roi absolu des repas de fêtes, star des débats de fin d‘année et monument de la gastronomie française. En 2017, plus de 13 000 tonnes de foie gras ont été commercialisées sur le marché français (1).

Mais année après année, les actions menées par des associations dénonçant les conditions de vie atroces des animaux poussent des milliers de personnes à se détourner du foie gras.

Pour faire face à cet éveil des consciences, plusieurs marques commercialisent dorénavant des alternatives végétales. C’est le cas de l’enseigne Picard, qui a annoncé lancer sa version végétale du foie gras pour les fêtes. À Lyon, l’association PETA et la mairie du 8e arrondissement ont distribué du foie gras vegan à 400 personnes âgées (2).

Autant de signaux faibles qui nous montrent que, découronner le roi de la souffrance animale durant les fêtes, ce n’est finalement pas une mission impossible !

Le foie gras, c’est d’abord une histoire de gavage

Le foie gras serait d’origine égyptienne : c’est en observant les oies et les canards migrer le long du Nil que les Égyptiens se seraient rendu compte que les animaux se gavaient de nourriture pour préparer leur long voyage. Ils ont alors compris que l’accumulation de graisse dans le foie leur permettait de tenir le coup. Le foie gras est alors né (3).

Ce sont les Grecs et les Romains qui ont développé la pratique du gavage dans des conditions d’élevage. Durant la conquête de la Gaule, ils ont implanté cette pratique dans le sud-ouest de la France.

Dans les années 1600, deux manuels d’agriculture présentaient les meilleures méthodes pour engraisser les oies. Une de ces deux méthodes, particulièrement cruelle, consistait à crever les yeux de l’animal et à clouer ses pieds au sol.

Aujourd’hui, bien que les méthodes aient évolué, elles restent cruelles. Pour gaver un animal, les éleveurs propulsent jusqu’à 1 kg d’une mixture à base de maïs, d’eau et d’additifs directement dans la gorge de l’animal. Jour après jour, l’animal ne peut même plus se tenir debout (4).

La plupart des oiseaux gavés sont confinés dans de minuscules cages, où l’espace est si limité qu’ils ne peuvent pas étendre leurs ailes sans se gêner. Souvent, ils développent des infections et des diarrhées. Le taux de mortalité en période de gavage est 7 à 20 fois plus élevé que chez les oiseaux non gavés.

Je vous passe les détails sur la cruauté des méthodes, qu’elles soient industrielles ou artisanales, et sur les conditions de vie des animaux. Mais si vous avez l’estomac bien accroché, je vous conseille de vous renseigner sur les enquêtes menées par l’association L214.

Il y a 2 ans, l’association a déposé plainte après avoir diffusé des images chocs dans une exploitation de foie gras au Pays basque.

Ici, on est dans l’un des pires élevages qu’on a pu voir depuis 15 ans. C’est vraiment le sommet de l’horreur. Alors si ce type d’élevage ne ferme pas, où il y a autant de canards morts que de vivants, des rats qui grouillent partout, des cages qui s’effondrent… Si cet élevage-là ne ferme pas, alors on se demande à quoi servent les services de contrôle de la préfecture.

Sébastien Arsac, co-fondateur L214

On m’a toujours dit que les amitiés les plus longues n’étaient pas forcément les plus fortes. Alors, après plus de 400 ans de tradition, il serait temps de tourner la page sur ces pratiques cruelles !

Il est temps de réinventer la gastronomie française

L’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la République tchèque ou encore le Royaume-Uni font partie de la quinzaine de pays qui ont interdit le gavage en Europe. En République tchèque par exemple, la loi sur la protection des animaux du 19 mai 1993 mentionne que :

« Les animaux, comme les hommes, sont des créatures vivantes et peuvent donc ressentir divers degrés de douleur et de souffrance ; ils méritent ainsi l’attention, les soins et la protection des Hommes »

En France, l’interdiction du foie gras est une question taboue. Comme le disait Thibaut dans son article sur “Pourquoi le sapin écolo n’existe pas ?”, au nom de grandes Traditions, nous sommes prêts à accepter des choix et des situations parfois irrationnelles.

Je me rappelle avoir été choqué après avoir découvert dans un documentaire la tradition du “Grindadráp” dans les îles Féroé. Le “Grindadráp”, c’est une partie de chasse en mer qui consiste à encercler des dauphins, et à les massacrer au couteau lorsqu’ils arrivent près de la plage (5).

Un héritage culturel vieux de plusieurs siècles, qui a encore provoqué la mort 2 043 animaux marins en 2021. S’il y a plusieurs siècles, il était légitime de chasser pour se nourrir dans cet archipel, ce n’est clairement plus le cas aujourd’hui.

Céline Le Diouron, une activiste de chez Sea Sheperd qui s’est battue pour empêcher ses massacres, disait il y a déjà 8 ans que :

“Fut un temps, ils parlaient de culture ou de coutume, parce que c’était une nécessité pour les Féroïens d’avoir cette viande et la graisse de ces dauphins. Mais aujourd’hui, il n’y a plus la nécessité d’avoir ces tueries parce que même la viande est contaminée par le mercure donc c’est dangereux d’en consommer.”

Céline Le Diouron, activiste de chez Sea Sheperd

Si à l’autre bout de l’Europe cette tradition nous révolte ou nous écœure, en France, nous continuons de fermer les yeux sur la souffrance de millions d’animaux. Près de 300 000 oies et près de 30 millions de canards ont été tués pour la production de foie gras en 2020.

En plus d’être terribles pour les animaux, les conditions d’élevage représentent un risque sanitaire pour les humains : la grippe aviaire a décimé des millions d’oiseaux cette année. Et la transmission interhumaine, mais si elle est rare, pourrait causer une pandémie en cas d’émergence d’un virus qui s’adapte aux humains.

On peut se régaler sans tuer des animaux

On a la chance aujourd’hui de voir naître des milliers d’alternatives végétales qui s’attaquent à tous les produits phares de notre alimentation. Je pense à La Vie qui révolutionne nos pâtes carbonara avec ses lardons végétaux, à Papa Outang qui est l’une des rares pâtes à tartiner sans huile et sans lait, ou encore à HappyVore qui s’invite dans nos barbecues (mention spéciale pour leurs merguez végétales).

Et la bonne nouvelle, c’est que des dizaines de marques s’attaquent également aux stars des fêtes de fin d’année. C’est le cas de Jay&Joy, Gaia, et même l’enseigne Picard qui proposent des alternatives végétales au foie gras à base de noix de cajou, de pois chiches, ou de champignons. Des recettes qui sont de véritables trompe-l’œil visuels et gustatifs.

Pour faire évoluer nos traditions, nous avons toutes et tous un rôle à jouer. Même si à table, ce ne sont jamais des conversations faciles à mener, je suis convaincue que, une fois que l’ont sait, agir devient notre responsabilité.

J’ai dégusté, comme presque tous les Français et les Françaises, du foie gras durant les fêtes. Je n’ai donc pas l’intention de pointer du doigt les personnes qui en consomment toujours. Mais pour la première fois cette année, ma mère qui fait d’habitude son propre foie gras a testé une recette vegan que je lui ai partagée.

Une victoire personnelle qui prouve que discuter avec ses proches est indispensable pour faire évoluer nos modes de consommation ! Chaque année, des millions de citoyens et citoyennes choisissent de se tourner vers des alternatives végétales, pour protéger le vivant et garantir une planète vivable pour les enfants.

L’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre et de 65 % de la déforestation en Amazonie (6). Finalement, transiter vers une alimentation végétale, c’est peut-être le plus beau cadeau que l’on peut faire à ses enfants.

Je vous laisse avec un passage d’Hugo Clément sur le sujet :

Il y a de plus en plus de gens, notamment dans ma génération et celles qui suivent, qui admettent qu’être végétarien ou en tout cas manger moins de viande, c’est une des solutions. D’un pour sauver notre espèce parce qu’on dit souvent sauver la planète, mais la planète ne va pas disparaître : c’est nous qui allons disparaître parce qu’on va détruire notre écosystème. Et puis de deux, pour mettre fin aux souffrances de milliards d’animaux qui n’ont rien demandé.

Hugo Clément, journaliste

J’espère que cet article vous aura plus, on se donne rendez-vous la semaine prochaine !

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Sources :

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