Pourquoi le sapin de noël écolo n’existe pas ?

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Lorsque j’étais petit, j’attendais avec impatience le moment où avec mes frères, nous allions choisir notre sapin de Noël. Sortir le vieux carton de décorations en famille et passer des heures à placer les boules et les guirlandes était toujours un grand moment 🎄
Mais en vieillissant, j’ai commencé à m’interroger sur l’impact de cette tradition sur l’environnement. Parce qu’après tout, abattre un arbre vivant ne semble pas être une démarche très écolo. Encore plus lorsque, comme moi, on se bat au quotidien pour sensibiliser les gens sur l’importance de protéger les forêts.
Lorsque l’on parle de sapin de Noël écologique, c’est toujours compliqué de démêler le vrai du faux. Entre des sapins naturels cultivés en France, mais souvent bourrés de pesticides, ou de faux sapins en plastique importés depuis la Chine, on ne sait plus où donner de la tête !
Pour bien comprendre, il nous faut un peu de contexte
En 2017, 84% des sapins vendus étaient naturels, contre 16% de sapins artificiels (1). Les sapins artificiels que vous voyez dans les magasins proviennent pour la plupart de Chine. Ils sont composés de métal et de plastique, donc de pétrole, et ne sont pas toujours fabriqués dans des usines très respectueuses de leur empreinte carbone et des droits des travailleurs.
Une étude québécoise de 2009 (2) a d’ailleurs comparé le cycle de vie d’un sapin naturel et d’un sapin artificiel fabriqué en Chine. L’étude a révélé que le sapin naturel est en théorie meilleur pour l’environnement (émettant 3,1 kg de CO2 par an contre 8,1 kg de CO2 par an pour la version artificielle).
Pour qu’un sapin artificiel devienne meilleur pour l’environnement qu’un sapin naturel, il faudrait le garder pendant 20 ans. Problème : généralement, ils sont jetés au bout de seulement six ans ! 😳
Bien que le sapin naturel ait ses avantages, il a d’énormes inconvénients à prendre en compte. Par exemple, pour que les sapins soient cultivés de manière intensive, il faut utiliser des produits phytosanitaires tels que le célèbre glyphosate, des pesticides ou encore des fongicides qui polluent nos sols… Certains sapins reçoivent même des hormones de croissance (3) ! Le sapin naturel n’est finalement… pas si naturel que ça.
Pour certains médias comme le Huffington Post, opter pour un sapin naturel représenterait seulement 0,14% de l’empreinte carbone annuelle moyenne d’un Français. Pour eux, c’est « une simple goutte d’eau dans l’océan du réchauffement climatique. »
Et si le sapin, c’était justement la goutte d’eau qui fait déborder le vase en fin d’année ?
D’un point de vue pragmatique, on se rend compte que le choix d’un sapin naturel ou artificiel n’est pas si simple. Il faudrait, lorsqu’on achète un sapin naturel, qu’il soit cultivé en France et sans pesticides. Mais les sapins bios sont encore peu nombreux aujourd’hui : 35 000 sapins au total, soit seulement 0,05% de la production française (4). Difficile de dégoter un sapin naturel vraiment écolo. Sylvain Angerand, ingénieur forestier chez Canopée, rappelle à juste titre que :
Sylvain Angerand, ingénieur forestier chez Canopée
Reste alors la possibilité d’acheter un sapin artificiel d’occasion sur Leboncoin par exemple, ou de bricoler son propre sapin à partir de bois de récupération ou de livres.
En écrivant cet article, et en en discutant avec des amis, j’ai très vite compris que la question du sapin de Noël dépasse toute rationalité. Noël, comme beaucoup de traditions, est quelque chose de profondément ancré en nous. Le sapin, c’est sacré 🤭
Toucher au sapin de Noël, c’est comme toucher à la corrida ou au foie gras : ça picote, et ça crée du débat. Il suffit de faire un bond deux ans en arrière pour le constater. En 2020, Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, a annoncé ne plus vouloir installer de sapin géant en centre-ville.
Attaqué de toutes parts, ses détracteurs répétaient sur les plateaux télés que ne pas mettre de sapin, c’était faire preuve d’écologie punitive. Déjà à l’époque, ils étaient à deux doigts de le qualifier “d’éco-terroriste” ! Le maire de Bordeaux s’est défendu à la télé en invoquant qu’il portait derrière ce choix une nouvelle vision de la nature :
Pierre Hurmic, maire de bordeaux
Cet épisode est intéressant pour comprendre notre rapport au vivant : au nom de grandes Traditions, nous sommes prêts à accepter des choix et des situations parfois… irrationnelles. Corrida, gavage des oies, chasse à la courre, et sapins de noël géants, autant de sujets qui déchaînent les passions lorsqu’ils sont évoqués.
Et c’est dommage ! Parce que vouloir ne rien changer au nom des traditions, c’est passer à côté des questions de fond : est-ce vraiment utile de couper des millions d’arbres qui finiront à la poubelle ? Quelle image de la nature avons-nous envie de donner à nos enfants ? Et plus largement : quel est notre rapport au monde vivant ?
Protéger les arbres plutôt que de les couper
Couper des arbres pour fêter Noël est pourtant un bel exemple du rapport de domination que nous entretenons envers le monde vivant : exploiter des ressources naturelles sans se soucier des conséquences sur l’environnement et de la biodiversité 🐛
Mais il est aussi vrai que la transition écologique ne doit pas être vue comme une punition, mais comme une opportunité de repenser notre mode de vie et de trouver de nouvelles manières de vivre avec nos traditions.
Pour ça, nous devons changer de récit pour montrer que l’écologie peut être source de bien-être et de bonheur, plutôt que de privations et de sacrifices.
Repenser nos traditions, comme l’utilité d’un sapin, peut être une occasion de réfléchir à ce qui donne du sens à notre vie, à ce qui est réellement important pour nous. Noël est avant tout un moment de partage et de réunion avec les personnes que l’on aime. Le sapin n’est qu’un élément parmi d’autres de cette fête.
Faire évoluer cette tradition peut être une bonne manière de montrer à nos enfants que d’autres modes de vie sont possibles, et que nous pouvons vivre en harmonie avec la nature. Fêter, sans tout détruire. Et cela peut passer par des choix simples, comme le sapin ou les cadeaux, ou encore par des changements plus importants, comme privilégier un repas de fête végétal (mais ça, c’est encore un autre débat !).
En commençant l’écriture de cet article, j’avais initialement choisi de vous dresser un portrait chiffré de l’impact d’un sapin de Noël. Mais un passage télé de Cyril Dion m’a ouvert une nouvelle perspective : peu importe si votre sapin est naturel ou synthétique. L’arbre au milieu du salon est un symbole, un récit. C’est une histoire que nous devons réinventer pour la transmettre à nos enfants :
Cyril Dion, auteur & réalisateur
J’espère que ce premier article (disponible aussi en version audio) vous aura plu. On se retrouve la semaine prochaine pour un sujet brûlant : le foie gras ! 🥵
Sources :
- (1) https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eco-consomation-sapin-noel-naturel-artificiel-plus-ecologique-1037/
- (2) https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/qu-est-ce-qu-on-fait/a-moins-de-le-garder-tres-longtemps-un-sapin-artificiel-est-bien-plus-polluant-qu-un-naturel-4879307
- (3) https://www.lejdd.fr/Societe/gourmande-en-pesticides-la-filiere-des-sapins-de-noel-se-met-au-bio-4005799
- (4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/camille-passe-au-vert/ca-sent-le-sapin-2217610
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